L’analyse gĂ©nĂ©tique tant attendue des momies royales de la XVIIIe dynastie vient de livrer ses conclusions, et celles-ci bouleversent radicalement notre comprĂ©hension de l’Ăąge d’or Ă©gyptien. Les rĂ©sultats, publiĂ©s ce matin par un consortium international de scientifiques, rĂ©vĂšlent une tragĂ©die biologique marquĂ©e par l’inceste et des maladies gĂ©nĂ©tiques dĂ©vastatrices au cĆur de la famille de NĂ©fertiti et Toutankhamon.
Pendant plus d’un siĂšcle, le mystĂšre planait sur trois momies anonymes dĂ©couvertes en 1898 dans la tombe KV35 de la VallĂ©e des Rois. DĂ©signĂ©es comme la “Dame ĂągĂ©e”, la “Dame jeune” et un jeune garçon, leur identitĂ© Ă©tait perdue. Les derniĂšres techniques de sĂ©quençage ADN, appliquĂ©es dans des conditions stĂ©riles extrĂȘmes au MusĂ©e du Caire, viennent de lever le voile avec une prĂ©cision implacable.
Les tests confirment que la Dame ĂągĂ©e est la reine Tiyi, grande Ă©pouse royale d’Amenhotep III. La rĂ©vĂ©lation la plus stupĂ©fiante concerne la Dame jeune : elle est la mĂšre biologique du pharaon Toutankhamon. En croisant les empreintes gĂ©nĂ©tiques, les chercheurs ont Ă©tabli que les parents de cette femme Ă©taient Ă©galement Amenhotep III et la reine Tiyi.
Cette dĂ©couverte a une consĂ©quence historique majeure. Elle signifie que la Dame jeune et le pharaon Akhenaton, pĂšre de Toutankhamon, Ă©taient frĂšre et sĆur, issus des mĂȘmes parents. L’image romantique d’Akhenaton et de NĂ©fertiti, couple rĂ©formateur uni donnant naissance Ă un hĂ©ritier, s’effondre. La mĂšre du cĂ©lĂšbre Toutankhamon n’Ă©tait pas la lĂ©gendaire beautĂ©, mais une sĆur anonyme d’Akhenaton.
Les analyses rĂ©vĂšlent un tableau clinique catastrophique rĂ©sultant de gĂ©nĂ©rations de mariages consanguins. La famille royale souffrait d’un cocktail de pathologies gĂ©nĂ©tiques : syndrome de Marfan, gynĂ©comastie, et craniostĂ©nose. Ces maladies expliquent les reprĂ©sentations artistiques Ă©tranges de la pĂ©riode d’Amarna, aux corps androgynes et aux crĂąnes allongĂ©s.

Toutankhamon, loin de l’image du jeune athlĂšte, Ă©tait un adolescent gravement handicapĂ©. Les scanners de sa momie montrent une nĂ©crose osseuse au pied, une scoliose sĂ©vĂšre et une fente palatine. Il marchait avec une canne, comme en attestent les 130 bĂ©quilles trouvĂ©es dans sa tombe, et souffrait d’atroces douleurs.
Le sort de la Dame jeune, la mĂšre du roi, est particuliĂšrement macabre. L’examen mĂ©dico-lĂ©gal de son crĂąne indique qu’elle a subi un coup mortel portĂ© au visage avec une arme tranchante et lourde, probablement une hache. Les traces de fibrine prouvent que son cĆur battait encore au moment de l’impact. Il s’agit d’une exĂ©cution ou d’un meurtre d’une extrĂȘme violence.
Son embaumement hĂątif et son abandon anonyme dans une tombe d’emprunt suggĂšrent une volontĂ© de l’effacer de l’histoire. Les chercheurs Ă©mettent l’hypothĂšse d’un rĂšglement de comptes dans l’entourage royal, peut-ĂȘtre liĂ© Ă la rivalitĂ© avec NĂ©fertiti, qui n’avait donnĂ© naissance qu’Ă des filles.La tragĂ©die gĂ©nĂ©tique atteint son paroxysme avec la dĂ©couverte, dans la tombe de Toutankhamon, des momies de ses deux filles mort-nĂ©es. L’analyse ADN confirme que leur mĂšre Ă©tait Ankhesenamon, elle-mĂȘme fille d’Akhenaton et de NĂ©fertiti. Toutankhamon avait donc Ă©pousĂ© sa demi-sĆur.
Les fĆtus prĂ©sentent de graves malformations, signe que le patrimoine gĂ©nĂ©tique de la dynastie Ă©tait Ă©puisĂ©. La lignĂ©e s’est Ă©teinte, non sur un champ de bataille, mais en raison de son isolement reproductif, transformant le “sang divin” en poison mortel pour sa propre descendance.
La question de la disparition de NĂ©fertiti elle-mĂȘme reste entiĂšre. Une thĂ©orie audacieuse, Ă©tayĂ©e par des scans du tombeau de Toutankhamon, suggĂšre que sa chambre funĂ©raire intacte se trouverait derriĂšre un mur scellĂ© dans la KV62. Des anomalies dĂ©tectĂ©es par gĂ©oradar laissent entrevoir la prĂ©sence d’un espace vide et d’objets mĂ©talliques.Les autoritĂ©s Ă©gyptiennes interdisent pour l’instant toute perforation, par crainte d’endommager les peintures. La reine au buste cĂ©lĂšbre pourrait reposer Ă quelques mĂštres des visiteurs, dans un secret que la science est dĂ©sormais en mesure de percer. Cette dĂ©cision Ă©thique et archĂ©ologique fait actuellement dĂ©bat dans la communautĂ© internationale.
Ces rĂ©vĂ©lations transforment notre lecture de l’histoire amarnienne. Elles dĂ©peignent une cour royale isolĂ©e, dirigĂ©e par un pharaon fanatique, oĂč la quĂȘte de puretĂ© divine a engendrĂ© une catastrophe biologique. La malĂ©diction des pharaons n’Ă©tait pas surnaturelle ; elle Ă©tait inscrite dans leur ADN, consĂ©quence amĂšre de l’orgueil et de l’inceste.
Les corps silencieux des momies, dĂ©sormais dotĂ©s d’un nom et d’une histoire mĂ©dicale, racontent une saga bien plus sombre que les lĂ©gendes dorĂ©es. Ils tĂ©moignent du prix humain exorbitant payĂ© par une famille qui se croyait au-dessus des lois de la nature. La science, en levant le masque d’or, nous offre une vision tragique et profondĂ©ment humaine de ces dieux vivants.
