ATHÈNES – Une découverte numérique vient de combler le vide laissé par deux millénaires d’histoire, bouleversant notre compréhension de la technologie antique. Des chercheurs ont enfin reconstitué, grâce à l’intelligence artificielle et à la modélisation de pointe, la face avant manquante du mécanisme d’Anticythère, révélant une machine à prédire les planètes d’une complexité inouïe.

L’objet, retrouvé en 1901 dans une épave au large de la Grèce, était déjà considéré comme le plus ancien « ordinateur » analogique du monde. Ses cadrans arrière, déchiffrés il y a des années, prédisaient les éclipses et les cycles lunaires. Mais la moitié frontale, dédiée aux mouvements planétaires, avait disparu, réduite à l’état de fragments illisibles et d’inscriptions énigmatiques.
Pendant plus d’un siècle, cette absence est restée une énigme majeure. Comment les Grecs du Ier siècle avant J.-C. pouvaient-ils modéliser les trajectoires complexes de Vénus, Mars ou Saturne sans télescope ni loi de la gravité ? Les indices gravés sur les bronzes corrodés suggéraient cette fonction, mais aucun engrenage survivant ne le prouvait.
La percée est intervenue lorsqu’une équipe pluridisciplinaire de l’University College de Londres a croisé les données des scanners CT à rayons X avec les capacités de l’intelligence artificielle. Leur objectif : rétro-concevoir l’esprit de l’ingénieur antique à partir des traces infimes laissées dans la corrosion et les textes fragmentaires.

L’IA a joué un rôle crucial en analysant des milliers d’inscriptions grecques anciennes pour identifier des modèles linguistiques et numériques. Elle a aidé à interpréter des séquences de nombres auparavant cryptiques, révélant qu’elles correspondaient avec une précision mathématique aux périodes orbitales synodiques des planètes.
Ces chiffres – 462 ans pour Vénus, 442 pour Saturne – ont servi de clé pour concevoir un système d’engrenages planétaires manquant. Les chercheurs ont ainsi pu modéliser en 3D un ensemble complet de roues dentées, s’emboîtant avec une élégance géométrique pour animer tout le système solaire connu.
La reconstruction finale est stupéfiante. Elle montre un dispositif actionné par une manivelle, où des aiguilles indiquaient en temps réel la position du Soleil, de la Lune et des cinq planètes visibles, tout en simulant leurs phases rétrogrades. C’était une carte dynamique du cosmos, un planétarium mécanique d’une précision inattendue.
« C’est la preuve matérielle d’un génie conceptuel qui défie la chronologie établie de l’histoire des sciences », a déclaré un membre de l’équipe de recherche. Le mécanisme ne se contentait pas de montrer ; il calculait, intégrant une compréhension sophistiquée des cycles célestes dans un chef-d’œuvre d’horlogerie.

La révélation a envoyé un choc à travers la communauté des historiens et des archéologues. Elle place le savoir-faire technique de la civilisation hellénistique à un niveau que l’on pensait impossible avant la Renaissance, voire l’ère industrielle. Cette machine était en avance de plus de mille ans.
Certains experts émettent des réserves quant à sa fonctionnalité pratique, arguant que les toléances de fabrication en bronze auraient pu entraîner des blocages. Ils y voient peut-être un objet démonstratif ou philosophique, une concrétisation métallique d’une théorie cosmologique.
Mais même sous cet angle, son impact est monumental. Il démontre que la pensée grecque avait déjà franchi le pas entre l’observation abstraite des astres et sa modélisation mécanique. Le mécanisme d’Anticythère matérialisait l’idée d’un univers régi par des lois prévisibles et calculables.
Aujourd’hui, alors que l’intelligence artificielle nous aide à décrypter les créations d’une intelligence antique, le cercle semble se refermer. Deux formes de « computation », séparées par vingt siècles, dialoguent enfin. Les engrenages de bronze rencontrent les algorithmes de silicium pour raconter une même histoire : l’insatiable quête humaine de compréhension du ciel.
L’objet, désormais complet dans son concept, cesse d’être une relique muette. Il redevient ce qu’il fut : un témoignage silencieux mais éloquent du moment où l’humanité a tenté, pour la première fois, de construire une horloge à l’échelle de l’univers.