Une conférence récente de l’archéologue Kathlyn Martinez relance les spéculations sur la localisation du tombeau perdu de Cléopâtre VII, tout en laissant la communauté scientifique profondément sceptique. L’annonce de nouvelles découvertes sur le site de Taposiris Magna, présentée par certains sur les réseaux sociaux comme une preuve imminente, est en réalité très éloignée d’une percée archéologique décisive. Les éléments avancés, dont une plaque de fondation et des pièces de monnaie, ne constituent pas un lien avec la dernière reine d’Égypte.
L’engouement médiatique, particulièrement sensible sur des plateformes comme TikTok, contraste fortement avec le silence scientifique qui entoure depuis des années les travaux de l’équipe de Martinez. L’archéologue, qui fouille le site depuis plus d’une décennie, n’a en effet publié aucun article scientifique évalué par ses pairs sur ses recherches. Cette absence de documentation académique formelle reste un point crucial de controverse.
Lors de sa conférence du 15 février dernier, Martinez a présenté plusieurs trouvailles effectuées ces derniers mois. Parmi elles, la découverte tant attendue de la plaque de fondation du temple de Taposiris Magna, confirmant sa dédicace à la déesse Isis. Si cette identification est une avancée pour la connaissance du site, elle était largement anticipée par les spécialistes et ne constitue en rien une surprise majeure.
Plus intrigante est l’annonce de la mise au jour d’un possible second temple, relié au premier par une chaussée processionnelle menant vers la mer. Cette configuration a conduit Martinez à formuler l’hypothèse qu’une partie du complexe religieux pourrait être aujourd’hui submergée. Elle a donc sollicité, et obtenu, l’autorisation de procéder à des prospections sous-marines dans une zone côtière voisine, normalement fermée car militaire.
Pour cette phase subaquatique, l’archéologue a fait appel à une personnalité célèbre mais inattendue : Richard Ballard, l’océanographe connu pour avoir découvert l’épave du Titanic. Ce choix, perçu par certains comme un coup de communication, interroge sur la priorité donnée à l’expertise égyptologique spécialisée, pourtant disponible dans le pays. Les premières cartographies ont révélé des blocs de basalte, suggérant une possible structure artificielle à explorer lors des prochaines campagnes.
Cependant, le cœur du débat demeure inchangé. La théorie de Martinez, qui place le tombeau de Cléopâtre à Taposiris Magna et non à Alexandrie comme le pensent la majorité des égyptologues, repose toujours sur son intuition personnelle. Les pièces à l’effigie de la reine découvertes sur place prouvent uniquement une activité du temple sous son règne, ce qui est courant pour un site de cette période.
Rien ne permet d’établir un lien funéraire. La communauté scientifique internationale, dont des archéologues français interrogés dans le cadre d’une enquête vidéo approfondie diffusée il y a plusieurs mois, maintient ses réserves. Elle rappelle que les permis de fouille sont habituellement accordés pour des projets aux objectifs et méthodologies clairs, et non pour poursuivre indéfiniment une quête basée sur une conviction non étayée.
Le récit entourant ces recherches, souvent teinté d’une dimension prophétique – évoquant une légende selon laquelle une femme découvrirait la tombe –, participe à cette ambiance de storytelling critiquée par certains observateurs. Ils y voient une stratégie de communication qui brouille la frontière entre la rigueur archéologique et la chasse au trésor médiatique.
Malgré les demandes répétées, Kathlyn Martinez n’a jusqu’à présent accordé d’interview qu’à des créateurs de contenu qui ne remettent pas en cause sa narration. Elle n’a pas répondu aux sollicitations de ceux qui, comme l’auteure de l’enquête vidéo initiale, souhaitent aborder les nombreuses zones d’ombre de ce dossier, notamment la validité de son diplôme et les conditions d’obtention de son premier permis de fouille.
En l’état actuel des connaissances, les récentes annonces enrichissent donc notre compréhension du site de Taposiris Magna, un complexe religieux important de l’époque ptolémaïque. Elles ne fournissent en revanche aucun élément nouveau crédible en faveur de la présence du mausolée de Cléopâtre et de Marc Antoine en ces lieux. L’écart entre le battage médiatique et la réalité scientifique semble, pour le moment, plus grand que jamais.
La prochaine saison de fouilles, notamment sous-marine, sera observée avec attention. Elle pourrait apporter des éclaircissements sur la configuration du site ou, au contraire, alimenter davantage la polémique. Une découverte extraordinaire reste toujours possible en archéologie, mais elle exige, pour être crédible, des preuves extraordinaires qui font encore défaut. L’affaire du tombeau perdu de Cléopâtre reste donc ouverte, suspendue entre espoir tenace et scepticisme raisonné.
